Histoire
Il ne sait pas trop comment il en est arrivé là, les mains tâchées de ce liquide écarlate. Il se revoit, dans sa chambre. Il lit le journal. Tranquillement. Il lève un sourcil et se met à soupirer alors que l’éclat de verre brisé retentit dans le salon. Il froisse un peu les bouts de son journal, nerveux. Sa mère et son père élèvent la voix, une fois encore. Ça aura été la douzième fois dans la semaine. Bastian soupire une énième fois quand il entend sa mère pleurer. Il pose son journal et cherche quelque chose à faire. Au final, il sort un briquet de son tiroir secret. Une invention moldue. Il en cherche le fonctionnement depuis qu’il l’a trouvé, dans les rues de Londres. Il l’allume. Admire la flamme. Puis il éteint la lampe de chevet éclairant sa chambre. C’est beau, qu’il pense.
Les coups et les cris ont cessés. Bastian éteint le briquet, se retrouvant dans les ténèbres. Lumos, qu’il murmure, baguette à la main. Sa porte grince. Une faible lueur passe par l’ouverture. Un bout de baguette montre son nez. Celle de son père. Bastian penche la tête sur le côté. Pourquoi venir le voir avec sa baguette ? Puis le visage de son père se montre enfin. Il semble serein. Il regarde son fils, et lui fait signe de sortir. Obéissant, l’adolescent se retrouve dans le salon. Sa mère n’est pas là. Sa mère doit être dans sa chambre.
Où est maman ? qu’il demande.
Ta mère se repose.
Le salon ne ressemble plus à rien. Les lampes sont renversées, les meubles brisés. Bastian ramasse un cadre tombé par terre et le remet à sa place. La photo est brûlée.
Va faire la cuisine. Ta mère ne mangera pas avec nous ce soir.
Il hoche la tête. Il ouvre le frigo, fouille un peu et se met à préparer le dîner. Comme un enfant sage. Sale gosse. Les jointures de ses mains deviennent blanches alors qu’il resserre sa poigne autour de sa baguette. D’un coin de l’œil, il regarde son père, dos tourné.
Experliamus ! qu’il lance tandis que la baguette du paternel valse dans les débris de la salle.
Le plus vieux se retourne brusquement, les yeux aussi gros que des ballons de basket. Bastian peut sembler naïf. Il peut sembler frêle. Il peut sembler obéissant et aveugle. Mais Bastian à bien compris pourquoi sa mère ne mangerait pas avec eux.
Son père s’avance, bouillant de rage.
Puis-je savoir pourquoi un tel geste sur ton père, Bastian ?
L’enfant tremble. Ses mains se portent sur le couteau de cuisine. Tuer avec la magie. Qu’elle idée stupide. Tuer comme un moldu est bien plus facile. Il a lu beaucoup de livre policier. Où le criminel abat sa victime avec une simple pelle. Ou même avec le chandelier. Il a lu beaucoup de manga où le héros se faisait attaquer par plus gros que soit. Il en a lu des bouquins où il se faisait à moitié étrangler. Il ferme les yeux, cherche son souffle. Ses mains tremblent. En sera-t-il véritablement capable ? Tuer quelqu’un, en échange de sa propre vie ? Tuer cet homme qui l’a privé de sa mère toutes ses années. Qui l’a traité comme un moins que rien. Qui l’a attouché alors qu’il n’était qu’un gamin de huit ans.
La rage voile son regard bleuté. Il empoigne l’arme et l’enfonce dans l’abdomen du plus vieux. Il ferme les yeux, sens du bout de ses doigts la lame s’enfonçant un peu plus dans la chair à chaque mouvement. La prise autour de son cou se dessert. Il tousse. Tombe sur son postérieur, les jambes tremblantes. Devant lui, son père agonisant. Il le regarde, les yeux grands ouverts. Il n’arrive pas à détourner les yeux de ceux de celui qui se prenait pour son paternel. Et ceux jusqu’à son dernier souffle.
Il tremble le gosse. Il est paralysé. Il pleure aussi. Il a du mal à respirer. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’il va lui arriver ? Il va aller à Azkaban ? Il va être innocenté, son geste pris comme de la pure et légitime défense. Il se recroqueville. Oui. Oui, sûrement. C’est ce qu’il se dit. Il ferme les yeux. Après tout, il n’a que douze ans.